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Créée à Genève en 1996 dans l’orbite du Conseil de l’Europe, la FEDRE s’intéresse depuis toujours aux régions transfrontalières. En 2023, elle a noué un partenariat avec le Crédit Agricole next bank pour étudier l’effet-frontière sur le pourtour de la Suisse dans divers domaines, dont certains échappent à l’attention du grand public. Après le le numéro 1 qui traitait de l’aide alimentaire, le Créée à Genève en 1996 dans l’orbite du Conseil de l’Europe, la FEDRE s’intéresse depuis toujours aux régions transfrontalières. En 2023, elle a noué un partenariat avec le Crédit Agricole next bank pour étudier l’effet-frontière sur le pourtour de la Suisse dans divers domaines, dont certains échappent à l’attention du grand public. Après le numéro 1 qui traitait de l’aide alimentaire, le numéro 2 qui abordait les difficultés du secteur de la santé, le numéro 3 qui présentait un sujet vital pour nos régions – l’eau –, le numéro 4 tourné vers la culture, le numéro 5 traitant du thème délicat de savoir qui indemnise les frontaliers au chômage, le numéro 6 axé sur l’idée de créer une carte de résident frontalier, le numéro 7 traitant de la mobilité durable en agglomération transfrontalière, ce numéro est consacré aux aspects européens des coopérations transfrontalières, le numéro 8 consacré aux aspects européens des coopérations transfrontalières, le numéro 9 à la diversité des systèmes d’imposition directe des frontaliers, le numéro 10 à la différence entre la Suisse et ses voisins dans la comptabilisation des chômeurs, le numéro 11 à la planification d’infrastructures de transports durable en agglomération frontalière, le numéro 12 à la contribution de la culture dans la construction d’une identité transfrontalière commune, le numéro 13 à l’importance croissante des phénomènes frontaliers et la transformation du rôle des frontières, voici le numéro 14 sur le rôle du sport dans les relations transfrontalières.
Une identité régionale transfrontalière ne peut se forger que sur la base d’expériences partagées. Il ne faut pas se payer de mots, de grandes déclarations, mais privilégier le concret, le quotidien… C’est là où le sport peut jouer un rôle. Car l’effort sur soi, la compétition avec les autres et la satisfaction des émotions vécues en commun forment des leviers d’un “vivre ensemble“ dans un territoire donné. On sait que c’est possible au niveau national, au niveau local… mais est-ce possible aussi au niveau transfrontalier ?
Quelques exemples, mais d’ampleur limitée
Chaque année en décembre a lieu à Genève la Course de l’Escalade. Événement populaire, ouvert à tous et à toutes catégories d’âge, qui rencontre un succès aux proportions gigantesques : 57’000 participants en décembre 2024. Certes, il s’adosse à la commémoration d’un événement conflictuel, « L’Escalade » de 1602, durant laquelle les Genevois repoussèrent victorieusement l’assaut des troupes du duc de Savoie. La composante régionale en est aujourd’hui indéniable ; toutefois, les participants français ne sont qu’en minorité : environ 25%. Le classement Interclub a été remporté en 2023 par l’Athlé de Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) devant l’Athlétisme Viseu Genève, l’ordre entre les deux clubs s’inversant en 2024. Le Marathon de Genève, qui se court en mai, a réuni 22’ooo participants en 2024, avec une participation plus égale entre Français et Suisses. Mais un seul événement par année, fût-il d’ampleur, est-ce suffisant ? Non bien sûr. Citons d’autres exemples.
Le Servette Rugby Club, créé à Genève en 2014, joue dans le championnat français. Il fut même trois fois champion de France dans diverses catégories, dont la dernière remonte à 2023, passant en 2024 à la catégorie supérieure : la Nationale 2 qui est le 4e niveau des championnats français de rugby. Il occupait fin 2024 la 3e place de son classement. Fait significatif, il s’appelait à l’origine « Servette Rugby Club de Genève » mais a décidé en 2018 de supprimer sa référence à Genève afin, disait son communiqué de presse, de mieux représenter « tous ses supporters à Genève, mais aussi au-delà ». Et le football ?
Le Thonon Évian Grand Genève FC évolue aujourd’hui en Nationale 3 française (5e niveau, joueurs amateurs) et joue à Thonon-les-Bains. Il a connu des jours meilleurs car, avec des joueurs professionnels, il avait accédé en Ligue 2 en 2010 (avant de rejoindre brièvement l’élite de la Ligue 1 en 2012). Son stade était donc trop petit. Alors, pourquoi ne pas jouer au nouveau stade (La Praille) du Servette Genève, prévu pour les grandes rencontres internationales mais sous-utilisé et faisant donc face à des problèmes de rentabilité ? La Fédération Française de Football (FFF) donna son accord. Las, l’instance européenne de football (UEFA), par la voix de son président d’alors, Michel Platini, s’y opposa, au motif que « l’organisation du football sur une base nationale territoriale constitue un principe fondamental et une caractéristique bien établie du sport »… On vient de le voir, les fédérations de rugby sont d’un autre avis !
La progression du sport de loisirs : une chance pour le transfrontalier ?
Le directeur du service des sports du canton de Genève, Vincent Scalet, fait la distinction entre sport de compétition, organisé, et sport de loisirs, dont la pratique est libre et qui repose sur la volonté de chacun de faire “de l’exercice”, là où il le souhaite. Le sport de compétition est organisé en clubs faisant partie de fédérations nationales, ce qui fait que les initiatives transfrontalières ne peuvent y être que limitées et ponctuelles (de plus, les classes d’âge des jeunes diffèrent entre la France et la Suisse). En revanche, il constate que le sport de loisirs est en pleine progression : on marche, on court, on pédale, on skie non loin de chez soi, et on n’hésite pas, de façon naturelle, à passer la frontière.
Le Salève est ainsi de longue date un lieu d’excursion des Genevois qui peuvent même parfois penser que cette montagne est sur leur territoire. Les itinéraires balisés de randonnée permettent de s’aventurer hors des frontières. Dans l’Arc jurassien, l’Espace Nordique Jurassien côté français et Romandie Ski de Fonds font depuis des années un effort commun de promotion. Et dans les Alpes, les vastes domaines skiables transfrontaliers ont un grand pouvoir d’attraction, tandis qu’à Genève, on a depuis longtemps pris l’habitude d’aller skier en France, dans les stations de proximité. On pourrait multiplier les exemples de ces pratiques qu’on a du mal à quantifier mais dont la dynamique est indéniable.
En revanche, les « Jeux du Grand Genève », week-end d’événements sportifs organisés en juin 2016 sur plusieurs sites des deux côtés de la frontière, n’ont pas été renouvelés faute de succès populaire. Faudrait-il essayer de les relancer ? Et ne pourrait-on pas réfléchir à faire escalader le Salève aux coureurs du Tour de Romandie avant l’arrivée à Genève ? Idée sûrement à creuser, car le sport et le transfrontalier y auraient tous deux à gagner… orientations politiques sont décidément impénétrables !