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En réalité, et bien qu’on puisse penser à première vue le contraire, on ne rencontre pas beaucoup d’exemples concrets qui répondent parfaitement à cette définition.

Adossé à la frontière franco-genevoise, on trouve le pôle technologique d’Archamps, renommé aujourd’hui Archparc. Créé en 1989, il avait été imaginé comme résolument transfrontalier. Mais, en dépit de sa localisation très favorable, cette ambition ne s’est pas pleinement réalisée. Dans le secteur du numérique, on peut mentionner le pôle d’Izarbel localisé à Bidart au Pays basque français, mais son activité n’est pas principalement tournée vers les relations transfrontalières avec le Pays basque espagnol.

Aujourd’hui, la réalisation paraissant la plus prometteuse qui correspond à la définition d’une technopole transfrontalière tournée vers le futur, est le « corridor quantique » (Quantum Corridor) créé entre la Línea de la Concepción et Gibraltar, associant notamment le port d’Algésiras et le parc technologique d’Andalousie à Málaga dans le domaine de la Quatrième Révolution industrielle, avec de fortes connexions avec Murcie, Aix-en-Provence… et Genève !

Comment transformer une région transfrontalière en modèle d’innovation technologique ?

Comment transformer une zone frontalière historiquement contestée et économiquement déséquilibrée en un modèle d’innovation transfrontalière et de développement durable ?

Le Centre de la 4e Révolution Industrielle La Línea–Gibraltar (LLG4IR) a été conçu comme une initiative pionnière. Il repose sur le développement transfrontalier des technologies de la Révolution Industrielle 4.0, telles que l’Intelligence artificielle (IA), la blockchain, l’informatique quantique, l’Internet des objets connectés (IoT), les technologies spatiales (satellites d’émissions-réceptions) et la cybersécurité.

Le Centre ambitionne de repositionner cette région comme un pôle de progrès technologique, de création d’emplois et de coopération transfrontalière fondée sur la paix. Il peut être une source d’inspiration pour d’autres régions transfrontalières en Europe.

Pour mémoire…

Gibraltar (6,8 km2 et 33’000 h.) est un morceau de territoire exigu et prospère (fiscalité avantageuse, services financiers, tourisme) au bout d’une péninsule espagnole. Il est britannique depuis 1704, ce que l’Espagne n’a jamais reconnu. En face, La Línea est une ville de 65’000 h., construite sur la « ligne » de défense contre Gibraltar. Son économie est lourdement pénalisée par un manque d’industries et un chômage élevé. 10’000 à 15’000 habitants sont des frontaliers qui travaillent à Gibraltar.

Un accord de base flexible et évolutif

Transformer une région frontalière historiquement sensible et sous-développée en un corridor d’innovation technologique exige du courage politique, une confiance transfrontalière et un savoir-faire technologique. Ce dernier a été amené par la société genevoise WISeKey, en partenariat avec la Fondation genevoise OISTE garante d’une éthique numérique au service de l’humain. Elles ont proposé aux autorités des deux côtés de la frontière de créer et développer entre elles un centre LLG4IR de 4e Révolution industrielle.

Un protocole d’accord a été signé en juin 2025 entre le gouverneur de Gibraltar, le maire de La Línea et WISeKey. Il comporte trois engagements clés :


• Développement d’infrastructures et de compétences, avec notamment la création d’un campus technologique pour former la jeunesse locale et les professionnels à l’IA, la blockchain, l’informatique quantique et la cybersécurité.


• Souveraineté technologique et innovation, avec un développement conjoint de plateformes pour les communications sécurisées, les services satellitaires (via WISeSat, une filiale de WISeKey) et les technologies de cryptographie post-quantique.


• Collaboration institutionnelle transfrontalière, avec un cadre de gouvernance partagée pour le centre et une participation conjointe à des programmes européens et internationaux de financement de l’innovation.

Les principaux objectifs du centre LLG4IR

Le Centre LLG4IR veut réinventer la frontière non plus comme une barrière, mais comme une porte ouverte sur l’avenir. Il fait le pari que la complexité géopolitique peut devenir un catalyseur de résolution créative, et que même des lieux marqués par des conflits peuvent désormais façonner la société numérique de demain.

Très concrètement, le Centre s’est fixé pour buts de :

• Former les talents locaux aux disciplines de la « deeptech », en leur offrant certifications et débouchés professionnels ;


• Soutenir les startups et PME de la région transfrontalière dans l’IA, la cybersécurité, les technologies satellitaires et la fabrication durable ;


• Accueillir des laboratoires vivants et des programmes pilotes dans les infrastructures de ville intelligente (smart cities), l’identité numérique et les modèles d’économie circulaire ;


Servir de zone neutre d’innovation, favorisant la collaboration entre acteurs espagnols, gibraltariens et internationaux, sans égard au statut politique ou aux revendications de souveraineté.


La philosophie fondatrice du Centre s’inscrit dans les évolutions mondiales : besoin de technologies certes… mais centrées sur l’humain, besoin de régions transfrontalières résilientes, recherche enfin d’économies numériques qui soient inclusives. 

Vers un « Corridor Quantique » transfrontalier reproductible ailleurs en Europe

Le Quantum Corridor est conçu pour accélérer le développement de technologies souveraines, sécurisées et interopérables en connectant les infrastructures physiques et numériques, les centres de recherche, les startups et les industriels au sein d’un écosystème d’innovation hautement coordonné, axé sur la sécurité.

Le Quantum Corridor prend racine à La Línea de la Concepción, en Espagne, avec la création de LLG4IR.com (LLínea Gateway for the 4th Industrial Revolution), une initiative public-privé transformant les régions frontalières en corridors technologiques de pointe. Ce hub favorise la collaboration transfrontalière entre les écosystèmes technologiques espagnols et gibraltariens, accélérant l’innovation en IA, identité numérique et matériel informatique quantique.

LLG4IR ne se contente pas de revitaliser les économies locales : il propose un modèle reproductible de développement régional renforcé par le numérique.

Alors que l’économie mondiale connaît une transformation digitale rapide et irréversible, LLG4IR y répond en créant un corridor sécurisé, axé sur l’innovation, conciliant souveraineté numérique et coopération internationale, et permettant aux startups et entreprises de naviguer entre différentes réglementations nationales, de tester des applications en IA et quantique en conditions réelles, et de bénéficier d’infrastructures et de plateformes de recherche mutualisées.

LLG4IR transforme les limites traditionnelles des régions frontalières en avantage unique : la capacité à agir comme des laboratoires agiles où l’on peut développer et tester ensemble des standards numériques harmonisés.

C’est un appel à repenser les frontières comme des laboratoires de l’avenir — des espaces où l’innovation, la confiance et l’interopérabilité peuvent prospérer dans un monde connecté numériquement mais souverain.

11 juin 2025 : nouvelles perspectives pour une frontière contestée

Le 13 juillet 1713, le Royaume d’Espagne cédait le rocher de Gibraltar à la couronne britannique (Traité d’Utrecht). Depuis, cette frontière a régulièrement été contestée par l’Espagne. Elle fut même fermée en 1968 pour ne rouvrir qu’en 1985. Récemment, le Brexit a engendré un nouveau choc, avec la mise en place de contrôles générant de longues files d’attentes.

Mais le 11 juin 2025 intervient un accord politique entre le Royaume-Uni, l’UE et Gibraltar, après d’intenses négociations qui duraient depuis octobre 2021. Il a pour but de garantir la libre circulation des biens et des personnes par voie terrestre entre l’Espagne voisine et Gibraltar (il faut savoir que les 15’000 frontaliers y représentent 50% de la main d’œuvre).

Gibraltar est incorporé à l’espace Schengen, et les résidents du rocher (les llanitos, comme ils se désignent) pourront y séjourner jusqu’à 6 mois par année. Au port et l’aéroport de Gibraltar s’effectuera un double contrôle sur le modèle de l’Eurostar, Gibraltar contrôlant les entrées dans l’espace Schengen, et Gibraltar son immigration et ses frontières. Il est par ailleurs bien spécifié que l’accord intervenu « ne remet en cause d’aucune manière la souveraineté britannique sur Gibraltar ».

Selon Fabian Picardo, chef du Gouvernement de Gibraltar : « Il est temps de tourner le dos au passé et d’ouvrir une ère de coopération et de compréhension. Maintenant que l’accord est intervenu, il est temps de finaliser le Traité ». Ce Traité fixera les détails et devra être ratifié. Mais on peut d’ores et déjà dire qu’une page nouvelle s’est ouverte, qui peut servir d’exemple. 

 Sur le terrain, l’après-11 juin 2025 a déjà commencé

La municipalité de La Línea de la Concepción se porte déjà candidate pour acquérir les terrains de la douane espagnole au passage de Gibraltar qui resteront inutilisés lorsque la barrière disparaîtra. Elle souhaite les intégrer au projet de centre technologique dédié aux satellites et à la cybersécurité promu par WISeKey (Genève) et Fossa Systems (Madrid). L’idée repose sur la nécessité de « redéfinir » cet « espace stratégique » pour le « développement économique d’activités à forte valeur ajoutée ».

Selon son maire, Juan Franco, ces propositions reposent sur l’idée que « la disparition de la frontière, l’intégration pratique de Gibraltar dans l’espace Schengen et la mise en place d’un cadre de coopération stable redéfinissent de manière significative non seulement le plan politique, mais aussi le modèle territorial, urbain et fonctionnel de la ville ». Cette dernière, « historiquement structurée comme une frontière, est confrontée au défi et à l’opportunité de se réinventer en tant que ville de connexion et de centralité au sein d’une agglomération transfrontalière avec Gibraltar ».

La municipalité de La Línea souhaite mettre en place avec sa voisine « un seul système fonctionnel, caractérisé par des flux fluides de personnes, de biens, de services et d’informations, ainsi que par une planification coordonnée ». Elle souligne également l’opportunité de créer une entité juridique transfrontalière, telle qu’un Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) ou un consortium binational, qui permettrait de coordonner les investissements et d’élaborer une planification conjointe.