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Créée à Genève en 1996 en lien avec le Conseil de l’Europe, la FEDRE www.fedre.org s’intéresse depuis toujours aux régions transfrontalières. En 2023, elle a noué un partenariat avec le Crédit Agricole next bank pour étudier l’effet-frontière sur le pourtour de la Suisse. Après le numéro 1 qui traitait de l’aide alimentaire, le numéro 2 des difficultés du secteur de la santé, le numéro 3 présentant un sujet vital pour nos régions – l’eau –, le numéro 4 tourné vers la culture, le numéro 5 affrontant le thème délicat de qui indemnise le chômage des frontaliers, le numéro 6 axé sur l’idée d’une carte de résident frontalierle suivant analysant la mobilité durable en agglomération transfrontalière, le numéro 8  consacré aux aspects européens des coopérations transfrontalières, le numéro 9 à la diversité des systèmes d’imposition des frontaliers, le numéro 10 à la différence entre la Suisse et ses voisins dans la comptabilisation des chômeurs, le numéro 11 à la planification d’infrastructures de transports durables en agglomération frontalière, le numéro 12 à la contribution de la culture à une identité transfrontalière commune, le numéro 13 à l’importance croissante des phénomènes frontaliers, le numéro 14 au rôle du sport dans les relations transfrontalières, le numéro 15 à la démocratie en région transfrontalière, le numéro 16 aux ressources forestières transfrontalières, nous consacrons ce numéro 17 aux associations de travailleurs frontaliers.

Il y a environ 400’000 frontaliers (permis G) en Suisse, dont 240’000 viennent de France, c’est-à-dire 60%, la moitié travaillant dans le seul canton de Genève. Ce nombre de frontaliers français a doublé en 15 ans (Genève, + 70%), si bien que la Suisse accueille la moitié des frontaliers de l’ensemble de l’Hexagone. C’est dire l’ampleur du phénomène ! Pourtant, les associations qui encadrent et conseillent les frontaliers sont encore mal connues, et les difficultés que connaît actuellement la plus grande, le Groupement Transfrontalier Européen (basé à Annemasse), nous incitent aussi à nous pencher sur les défis qu’elles ont à affronter.  

Un paysage plutôt morcelé

Dans la région du Rhin supérieur, depuis le nord de l’Alsace jusqu’à Bâle, il existe depuis une trentaine d’années quatre unités d’information sur les questions transfrontalières connues sous le nom d’Infobest. Leur accès est gratuit car elles sont financées par les pouvoirs publics français, allemands et suisses concernés. 

Il y a aussi diverses associations privées, souvent soutenues par la puissance publique, qui offrent des services à leurs adhérents frontaliers. Créé en 1963, le Groupement des frontaliers, devenu Groupement Transfrontalier Européen (GTE) en 2000, est surtout présent à Genève et alentours. L’Amicale des Frontaliers (Morteau), née au Locle en 1962, concerne principalement la Franche-Comté, donc l’Arc jurassien, mais va jusqu’à Genève (11’000 adhérents). Le Comité de Défense des Travailleurs Frontaliers (Saint-Louis), créé en 1958, est actif dans la région de Bâle. L’Association d’Aide aux Frontaliers recrute notamment autour de Mulhouse (2’000 adhérents). Et plus au nord, opère l’Association des Frontaliers du Grand-Est dirigée notamment vers l’Allemagne et le Luxembourg. 

Par ailleurs, une Confédération Européenne des Frontaliers est apparue en mars 2025 en réponse à la décision de l’UNEDIC de réviser à la baisse les indemnités chômage des frontaliers. Ayant pour objectif de faire pression sur Paris et Bruxelles, elle regroupe pour le moment quatre associations : l’Association d’Aide aux Frontaliers, l’Amicale des Frontaliers, l’Association des Frontaliers au Luxembourg (fondée en 1998 à Thionville) et l’association de droit luxembourgeois « Frontaliers au Luxembourg », nouvellement créée par le Belge Georges Gondon. Elles souhaitent que d’autres viennent les rejoindre. On verra…

Le GTE fragilisé

Tenue le 3 avril 2025 à Annemasse, la dernière Assemblée générale du GTE a fait état d’une situation inquiétante.

Il revendique 24’000 adhérents, dont 14’500 à jour de cotisation, et a perdu 10’000 adhérents et 22% de ses recettes lorsque la mutuelle de complémentaire santé pour frontaliers, avec laquelle il collaborait depuis 1964, a cessé toute relation contractuelle en juillet 2023. En effet, l’adhésion à la mutuelle incluait quasi-automatiquement la cotisation de membre du GTE.

Cela a bien sûr mis à mal l’équilibre financier, au point qu’il a fallu nommer un administrateur judiciaire pour aider l’association à éponger un déficit de 400’000 € par le gel de certaines créances, l’étalement de remboursements, etc… Il faudra aussi réduire les dépenses, ce qui a déjà été entamé pour les locaux et touchera également le personnel. Voté le 3 avril en Assemblée générale, le budget 2025 prévoit ainsi une réduction de 21% des dépenses et une contraction de la masse salariale de 260’000 €.

Cela suffira-t-il ? Il faudra probablement se résoudre à augmenter les cotisations ordinaires (actuellement de 100 €) et peut-être à demander aux départements de la Haute-Savoie (aujourd’hui partenaire à hauteur de 258’000 €) et de l’Ain (162’000 € en 2025) une contribution supplémentaire exceptionnelle. 

Redéfinir une stratégie, se poser les bonnes questions

Plus fondamentalement, ces difficultés doivent inciter à redéfinir le rôle et le fonctionnement des associations de frontaliers. Car il y a un paradoxe de fond : plus le nombre de frontaliers augmente, plus le nombre d’adhérents du GTE diminue. En 2010, leur nombre était de la moitié des frontaliers genevois, aujourd’hui, il n’est plus que d’1 sur 5.

Avec les moyens modernes du numérique, un nombre croissant de gens se sentent aujourd’hui capables, à tort ou à raison, de se renseigner tout seuls, sans éprouver autant que par le passé la nécessité d’adhérer à une structure collective. Cette tendance, encourageant une certaine forme d’individualisme, est évidemment plus forte chez les jeunes. Une enquête récente de l’URSSAF évaluait l’âge moyen des frontaliers français en Suisse à 42 ans. À première vue, l’âge moyen des participants à la dernière AG du GTE était d’une bonne dizaine (voire quinzaine) d’années supérieur. 

Les associations de frontaliers sont pourtant contraintes d’innover. Peut-être y parviendront-elles, parallèlement à la défense collective des frontaliers, en développant “à la carte” des services ciblés sur une base payante, avec des tarifs différents pour les adhérents et les autres, et en relevant le tarif des cotisations si leurs adhérents se sentent assez satisfaits des prestations pour l’accepter. Ce ne sont que quelques pistes…