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Plus d’une année d’étude de “l’effet-frontière” sur le pourtour de la Suisse a conduit la FEDRE à formuler 10 pistes de réflexions que la FEDRE va tester, affiner, compléter, corriger et préciser dans les mois à venir.

Tout autour de la Suisse, avec la France, l’Italie, l’Allemagne ou l’Autriche se développent des relations transfrontalières en général source de prospérité. Toutefois, elles font çà et là apparaître des déséquilibres que la FEDRE souhaite contribuer à corriger en lançant dans le débat public les 10 premières propositions de réflexions suivantes (la numérotation n’indiquant pas un ordre de priorité).

1. Indemnités chômage des frontaliers

Les cotisations d’assurance chômage sont payées en Suisse par les frontaliers, mais c’est leur pays, non récepteur de ces recettes, qui doit supporter l’essentiel de la lourde charge des prestations. De cette anomalie européenne, la Suisse n’est pas responsable, mais elle se trouve dans la situation de l’assureur qui encaisserait des primes sans payer les sinistres. Le fait que ce soit un règlement de l’Union Européenne qui conduise à cette choquante situation, ne doit pas empêcher de discuter de la forme à trouver pour que la Suisse procède à un juste transfert à l’organisme assumant le paiement des allocations, des montants des cotisations correspondantes.

2. Santé

L’exode vers la Suisse du personnel médical de France, d’Italie et un peu d’Allemagne met ces pays devant de grandes difficultés pour maintenir la qualité des soins à leurs malades. La situation est notamment jugée catastrophique dans de nombreux établissements français proches de Genève où des lits sont supprimés faute de personnel à leur pied. C’est le dossier transfrontalier le plus difficile pour lequel des solutions innovantes devront impérativement être trouvées. Peut-on imaginer que pour certains soins, des malades habitant Genève soient soignés en France près de la frontière et que des EMS/EHPAD y soient également développés pour des personnes âgées de Genève ? Les raisons étant essentiellement salariales, parmi les pistes à explorer on pourrait étudier la création d’un fonds de solidarité avec le personnel soignant français ou italien rémunéré en €, soit en développant le modèle actuellement poursuivi au Tessin d’une taxe additionnelle de solidarité payée par les frontaliers, soit en utilisant le modèle décrit ci-dessous (point 3) pour la rétrocession fiscale genevoise. Il faudrait aussi élaborer une cartographie des ressources médicales dans la région en tenant compte des distances à parcourir et des spécialités proposées par les différents établissements de soins, avec pour objectif d’optimiser le confort des patients. Pour aller dans ce sens, les dispositions touchant les assurances devront être probablement adaptées.

3. Utilisation d’une part de la rétrocession fiscale genevoise pour alimenter un fonds en faveur du personnel médical français

Proposition : bloquer les montants de l’impôt perçu à Genève sur les frontaliers aux compteurs 2023 (grosso modo 1,1 milliard, avec CHF 350 et 750 millions respectivement pour la France et Genève) et allouer le surplus probable des années à venir (en raison de l’augmentation régulière du nombre de frontaliers) à ce fonds.

4. Vers une carte de sécurité sociale frontalière

Approfondir la proposition de la MOT (Mission Opérationnelle Transfrontalière France) d’une carte de sécurité sociale transfrontière pour les résidents d’une zone déterminée. Elle serait délivrée avec un justificatif de domicile et donnerait accès aux hôpitaux, cliniques et soins ambulatoires des deux côtés de la frontière. À ce stade, la MOT envisage que le remboursement se fasse au tarif français et que le surcoût éventuel soit automatiquement envoyé à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et à la complémentaire santé du frontalier. Il faudrait agir en concertation entre les systèmes de couverture sociale et les caisses maladies, et notamment résoudre la question du différentiel de coûts des soins entre la France et la Suisse.

5. Vers une carte de résident de l’agglomération du Grand Genève ou de l’Eurodistrict de Bâle

À l’exemple de la Züri City Card en Ville de Zurich, elle donnerait un accès préférentiel à divers services publics, musées, expositions, festivals, associations sportives, événements culturels ou festifs qui contribuent à un « vivre ensemble » commun, créant peu à peu les conditions d’une identité partagée. L’expérience de Zürich enrichirait la réflexion par rapport à ce qui pourrait être transposé aux agglomérations transfrontalières de Genève et de Bâle, ainsi que la carte francilienne dans le domaine des transports et de la culture. Il faudrait que la future carte offre des services ou rabais particuliers aux jeunes, aux personnes défavorisées, aux chômeurs. Elle concernerait tous les habitants, pas seulement les frontaliers, et favoriserait ainsi l’émergence d’une identité partagée.

6. Mobilité : complémentarités, intermodalités, géométrie variable

Se référant à nos divers entretiens, il faudrait diffuser plus efficacement l’information et organiser des occasions d’échanges entre tous les acteurs des différentes mobilités de la région lémanique pour dégager une vue d’ensemble qui manque aujourd’hui, chacun ne travaillant que sur le périmètre géographique ou le mode de transport qui l’intéresse directement. Le réseau ferroviaire dans le pays de Gex et des liaisons avec Genève n’a pas été pris en compte lors qu’on a lancé le CEVA / Léman Express, et fait totalement défaut. Le rétablissement de la ligne ferroviaire du Tonkin, chaînon manquant de la mobilité autour du Léman est négligé depuis des années. La lenteur des lignes Genève Annecy et Lyon n’encouragent pas leur utilisation.

7. Accord de libre-circulation des personnes entre la Suisse et l’UE

Parvenir à trouver des mécanismes de régulation souples et innovants pour adapter cet accord aux réalités spécifiques des régions frontalières, étant donné l’effet indiscutable qu’il a eu, depuis son entrée en vigueur en 2002, dans l’augmentation très rapide des travailleurs frontaliers venus de toujours plus loin et d’un peu partout, notamment au Tessin, à Genève et à Bâle.

8. Environnement : eau, air, forêts, paysages

Garantir la circulation transfrontalière de l’eau suivant les bassins versants de la région lémanique, sans entraves ni conditions concernant son utilisation en aval. Garantir la qualité de l’air et des sols dans les agglomérations transfrontalières qui se densifient. Définir une territorialité des ressources forestières en fonction des besoins les plus proches plutôt que de systématiquement privilégier le bois de provenance nationale (parfois plus éloigné). Reposer le problème des carrières du Salève, dont la concession s’arrête en 2033 mais dont la prolongation s’annonce déjà, et en tenant compte également de l’évolution prévisible des matériaux de constructions dans les années à venir.

9. Social

Prendre en compte comme index de répartition des ressources au titre de la Contribution Financière Genevoise (rétrocession fiscale aux communes de résidence), non seulement le nombre de frontaliers par commune, mais aussi le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté, avec des sommes qui seraient réservées aux communes ayant le plus d’habitants en dessous de ce seuil pour continuer, par exemple, de leur permettre de se loger dans la région et ne pas se retrouver dans l’obligation de la quitter. Suivre aussi l’évolution des taux de pauvreté à Genève.

10. Culture : événement majeur autour des valeurs européennes

En insistant sur les complémentarités culturelles, viser l’année 2028, qui sera celle du 250e anniversaire de Voltaire et de Rousseau, pour concevoir entre Coppet-Genève-Ferney-Annemasse un événement de portée européenne et de retentissement international de célébration des valeurs fondamentales qui ont été développées dans ce périmètre et transcendant les frontières : démocratie, tolérance, égalité, laïcité, volonté générale, contrat social, etc.