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Déclaration de la Fondation Denis de Rougemont.

Observation

La pandémie qui se prolonge aura des conséquences durables. Sera-ce vers le bien, vers le mal, ou retrouverons-nous, presqu’inchangé, l’équilibre antérieur ? Certains se plaisent à imaginer le monde de l’après-crise ; et ils se demandent : que pourra-t-il être ? On risque ainsi de se perdre en efforts de prospectives, en hypothèses souvent fragiles, alors qu’il faut le dire et le redire : ce n’est pas le sujet majeur.

En effet ce qui compte, ce n’est pas d’interroger l’avenir, mais de le faire, puisque l’avenir ne sera guère que le résultat de nos actions, ou de nos inactions, qui naîtront en fin de compte dans le prolongement de ce que nous sommes, et surtout de ce dont nous serons capables d’entreprendre, en tant qu’êtres humains vivant en société.

Tel est le message central de Denis de Rougemont dans L’avenir est notre affaire, ouvrage composé au moment d’une autre crise, celle du choc pétrolier de 1973, de la crise économique qui s’en est suivie avec l’apparition du chômage de masse, et des premières réflexions sur l’écologie anticipant le concept de développement durable, développé à Genève dix ans plus tard au sein des Nations Unies par la Commission Brundtland.

À Genève, il y a un capital considérable d’expériences s’appuyant très directement sur l’héritage spirituel de Denis de Rougemont. Il est important de leur assurer une pérennité dans les années qui viennent. Car frappe à nouveau la crise. Alors, cet héritage doit être mobilisé comme une ressource contribuant à la surmonter.

Réflexion

Plutôt que de tenter d’interroger un avenir par définition rebelle aux certitudes, demandons-nous quels sont les enjeux principaux… Ils se présentent d’abord en termes de valeurs, celles qui s’articulent sur la personne humaine et qui organisent la société autour de la mise en œuvre concrète de la liberté et de la responsabilité, Denis de Rougemont y ajoutant l’amour du prochain et de la nature. Tel doit être le point de départ à réaffirmer, à redécouvrir, à réactualiser pour répondre efficacement aux circonstances et se prémunir des dangers qui ne manqueront pas de surgir.

Car il y a des dangers. Le premier d’entre eux est de voir nos sociétés, déjà profondément ébranlées, peu à peu glisser, perdre confiance en elles-mêmes, se déliter, se diviser, errer sans boussole, partir à vau-l’eau. Tout craque : l’économie, l’emploi, l’environnement, la culture… même nos démocraties de plus en plus fragiles, qui semblent menacer de partir en morceaux. Pour conjurer ce qui s’annonce si on ne fait rien, il faut redonner du sens à nos vies. Pas seulement à nos vies individuelles, mais à nos vies en société et tout ce que cela implique.

Il ne faut pas se le cacher, la pandémie a été l’occasion pour nos sociétés d’étaler leurs difficultés, de révéler sous un jour parfois cru certaines de leurs faiblesses, alors que dans le même temps, les sociétés asiatiques avaient des résultats bien supérieurs et, Chine en tête, ne se cachaient plus pour affirmer, manière de revanche sur l’histoire, la supériorité de leur modèle. Or, ce modèle n’est pas fondé sur des valeurs qui nous correspondent, et nous ne manquerons pas de les perdre si nous les copions. Voilà le deuxième danger : ressouder la société autour de valeurs qui ne sont pas les nôtres. On en voit parfois poindre la tentation, au nom de l’efficacité nous dit-on.

Action

Existent à Genève au moins quatre pôles complémentaires s’inscrivant en ligne très directe dans la pensée de Denis de Rougemont.

Sur le plan universitaire, il y a le projet en cours « Rougemont 2.0 » de numérisation complète de son œuvre et de sa mise en ligne sur le site https://www.unige.ch/rougemont/. Sur le plan de la filiation historique il y a le Centre européen de la Culture, créé par Denis de Rougemont en 1950, qui continue vaillamment. Sur le plan de l’action très concrète, il y a la FEDRE, opérant dans divers domaines où se nouent des partenariats avec des opérateurs d’avenir comme la Fondation Nomads, travaillant à la formation aux métiers du futur. Et, entre le pôle de la pensée conceptuelle et celui de l’action pratique, il y a la Fondation Denis de Rougemont, dont la mission est de faire rayonner l’œuvre Denis de Rougemont en lui conférant une utilité dans le monde d’aujourd’hui.

Ces quatre pôles ont chacun leurs réseaux, qui recouvrent des dimensions différentes et qui associent des milieux très divers n’ayant pas toujours l’habitude de se parler.

Une des tâches prioritaires consistera à mobiliser pleinement tout ce potentiel en générant des synergies entre ces divers réseaux, agissant ainsi comme un accélérateur de mouvement. Le maître-mot devra être : susciter des envies.

Nous ne demandons qu’à aller de l’avant, réunir de petits groupes, les faire travailler sur des thèmes prioritaires débouchant sur des actions concrètes ayant valeur d’exemplarité, pour redonner courage et faire de la mutation en cours véritablement « notre affaire ».

Et si « l’esprit de Genève » aujourd’hui, ce pouvait être cela ? En tout cas nous le pensons.

François Saint-Ouen, 12 janvier 2021