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Résultant d’une convention datant de 1966 entre le Suisse et la France pour éviter une double imposition, la CFG permet aux départements de la Haute-Savoie et de l’Ain et à leurs communes frontalières de récupérer 3,5 % de la masse salariale brute des travailleurs français frontaliers. Pour 2021, le montant s’élève à 326 millions de francs suisses, soit environ 300 millions d’euros.
Les échanges fiscaux entre la France et la Suisse s’appuient sur des systèmes cantonalisés et sont fragmentés selon différents accords en fonction des besoins des territoires. Comme l’accord de 1973 entre le Conseil fédéral et le gouvernement français sur la compensation financière genevoise (CFG) qui faisait suite à une convention signée entre les deux pays en 1966 afin d’éviter une double imposition : les travailleurs frontaliers étaient ainsi imposés dans l’État où ils exerçaient, le canton concerné reversant une partie de la masse salariale aux territoires de résidence de ces actifs.

« La question de l’imposition des travailleurs frontaliers est cantonalisée et dépend de différents accords bilatéraux avec la France », confirme Anna Karina Kolb, directrice des Affaires européennes, régionales et fédérales de l’État de Genève. La CFG est une particularité locale. En effet, dans les cantons de Vaud et du Valais, le fonctionnement est différent : le statut de frontalier permet au salarié d’être imposable seulement en France sur présentation d’une attestation à l’employeur suisse pour éviter un prélèvement à la source. À condition de bien rentrer en France tous les soirs et de ne pas passer plus de 45 nuitées par an en Suisse.

Aide au développement

En juin 2020, le canton de Genève avait versé 315  millions de francs suisses à l’ Agence centrale du Trésor français chargée de répartir ces montants entre les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie (soit 45 % du total), et leurs communes frontalières au prorata du nombre de salariés titulaires du permis G (et déclarés auprès de leurs mairies respectives). Pour 2021, le montant en hausse de 3,4 % s’élève à 326 millions francs suisses (environ 300 millions d’euros).

« Ceux qui ont mis en place la Compensation financière genevoise étaient avant-gardistes. C’était un outil visionnaire à l’époque, qui a démontré tout son sens ces dernières décennies, remarque Anna Karina Kolb. Il demeure indispensable pour que les collectivités françaises voisines puissent accueillir les flux frontaliers et assurer le développe-ment d’infrastructures structurantes. »

La Haute-Savoie a ainsi pu consacrer sur les 103 millions d’euros reçus par le Département, 12 millions d’euros au désenclavement du Chablais, 6 millions d’euros à l’amélioration du réseau ferré de la vallée de l’Arve, 5,9 millions pour des travaux d’amélioration et d’aménagements routiers, 2 millions d’euros aux véloroutes et voies vertes du département, 20 millions d’euros aux intercommunalités comme les communautés d’agglomération Annemasse-les-Voirons ou de Thonon-les-Bains.

Dans l’Ain, en particulier le Pays de Gex, sur les 31 millions d’euros versés au Conseil départemental, 6,4 millions d’euros ont permis de financer le plan pluriannuel d’investissement de ce territoire frontalier, 2,5 millions d’euros pour le fonctionnement du transport, 2 millions d’euros pour le programme d’investissement du Syndicat mixte des Monts Jura, 1,2 million pour valoriser des zones d’activités économiques et 1,3 million d’euros pour le logement social notamment.

Avec la hausse régulière du nombre de frontaliers et la multiplication du nombre de statuts fiscaux, le système doit évoluer régulièrement afin de répondre aux besoins des territoires français et suisses. « La fiscalité est un sujet délicat, actuellement discuté sur certains de ses aspects comme ceux liés au télétravail », résume Anna Karina Kolb.

En effet, la pandémie de Covid-19 a remis en lumière la complexité de cet outil à travers le recours au télétravail qui est normalement limité à 25 % du temps total. Or ce mode d’organisation est pour l’instant maintenu à cause de l’incertitude sanitaire, mais se pose la question de sa pérennité une fois la situation normalisée. Dans ce cas, les actifs frontaliers seront-ils considérés comme des salariés travaillant pour la Suisse tout en restant en France et où seront-ils imposés ? 

Sandra Molloy / Article paru dans le Hors-série La Frontière en chiffres 2022 du magazine L’Extension Diamant Alpin / Novembre 2022